A l'appel de Mgr Ernest Cabo, évêque de la Guadeloupe, environ 2000 personnes se sont rassemblées au vélodrome de Gourde-Liane le 1er juillet 1994 afin de «[...] prier ensemble et obtenir la paix et la réconciliation [...]». On pouvait compter parmi elles des personnalités connues et venues de tous les horizons politiques, religieux et syndicaux : Églises adventiste et évangélique, UGTG, UPLG, Objectif Guadeloupe, etc. On a pu ainsi découvrir dans un hebdomadaire une photographie montrant côte à côte dans cette grand-messe, M. José Moustache, vice-président du conseil régional (Objectif Guadeloupe), M. Lucien Pérutin, secrétaire général de l'UPLG et M. Gaby Clavier, dirigeant de l'UGTG. On pouvait également noter la présence, bible en main, de M. Dominique Larifla, président socialiste du conseil général'. Cet événement incite à s'interroger sur le rôle politique de la religion en Guadeloupe et en Martinique. A notre connaissance, la place de l'Église et du religieux dans le champ politique antillais contemporain est loin d'avoir été beaucoup exploré par les universitaires'. L'exposé que voici se propose d'apporter quelques éléments de contribution à une étude systématique [...] L'armature de cet article se fonde sur les archives de la Direction des Affaires politiques (DAP), 3e bureau du Secrétariat d'État aux Colonies dirigé à Vichy par l'Amiral Platon [...] C'est en voulant mieux connaître la période de Vichy aux Antilles qu'on avait en 1988 consulté ces documents dont certains révélaient des informations surprenantes quant au clergé de la Martinique et de la Guadeloupe [...]

Résumé - La recherche historique est encore loin d'avoir défriché le terrain en ce qui concerne les rapports de l’Église et du politique en Guadeloupe et en Martinique. On peut toutefois essayer d'esquisser les grandes lignes de ce que serait un tel récit. Depuis longtemps, Église, religion et politique semblent en effet liées. Héritière de l'Ancien Régime, cette liaison a continué d'exister bien après l'entrée en vigueur des lois séparant l'Église et l'État. Omniprésente, la hiérarchie ecclésiastique a longtemps pris l'habitude de donner son avis, voire ses mots d'ordre. Cela posé, la puissance de l'Église ne saurait occulter l'existence religiosité qui caractérise le plus grand nombre. Cette religiosité a été perçue par le pouvoir d'État comme un moyen de s'assurer le soutien populaire. II en a été ainsi avec Vichy comme avec les gaullistes, l’Église étant vue comme arbitre des conflits politiques et sociaux.

Abstract - Historical research is far from having tackled all the questions which concern the relationship between Church and politics in Guadeloupe and Martinique, Qne can nevertheless attempt at drawing out the main lines of what such an account could be. Since long Church, religion and politics seem to be conneçtecl Inherited from thé French Ancient Regime, this link has long overlived the law separating state and Church: Omnipotent, ecclesiastical hierarchy has long taken the habit of giving its opinion, if not its orders. This being said, the Power of Church should not obliterate an existing religiosity which characterizes most people. This religiosity has been perceived by the State as a means to gain popular support. It has been so during the second World war, with Vichy as well as with the Gaullists, the Church being seen as arbitrator of political and social conflicts.

« Useful contribution for understanding role of the Church and religion in political history of WWII. Analyzing well-chosen and documented incidents, author shows that both vichistes and gaullistes courted the ecclesiastical hierarchy and called on popular religiosity to strengthen their position. » [APD, Handbook of Latin American Studies, Library of Congress]

Réf : Dominique Chathuant, « Église et vie politique en Martinique et en Guadeloupe », Les Cahiers de l’administration outre-mer, n°6, 1995, CRPLC/URA-CNRS, UAG, Fort-de-France, p. 19-36.