Les parlementaires des vieilles colonies de la Troisième République véhiculent une image de béni-oui-oui qui tient souvent lieu d’explication à leur vote des pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940. Malgré les apports de l’historiographie récente et par une sorte de facilité téléologique, il est par ailleurs courant d’affirmer en Guadeloupe que ce vote des députés Gratien Candace et Maurice Satineau valait approbation de la Révolution nationale. Or, si le vote des pleins pouvoirs fut bien le critère retenu par l’ordonnance d’avril 1944 frappant d’inéligibilité des parlementaires, l’existence d’une procédure de relèvement constituait déjà l’aveu qu’un « oui » le 10-Juillet n’était pas forcément synonyme de soutien à la collaboration ou à une politique d’exclusion raciale. Olivier Wieviorka le démontre à l’échelle du parlement, à partir des papiers du Jury d’honneur chargé en 1945 d’examiner les recours. A l’échelle d’un individu, on sait aujourd’hui que Gratien Candace, député de la 1ère circonscription de la Guadeloupe, était suffisamment compromis pour rester inéligible après 1944 mais pas assez impliqué à Vichy pour être traduit en Haute-cour. En comparaison, le parcours de Satineau (Baie-Mahault, 1891 - Paris, 1960) surprend. Plus jeune que Candace et plus résistant aux contraintes matérielles et physiques d’une transgression, Satineau fut plus facilement en rupture avec le pouvoir. Sa trajectoire brouille cependant les cartes et fait hésiter entre motivations honorables et stratégie personnelle de survie politique et financière.
On constate par ailleurs que le parcours du député n'est pas circonscrit à un espace unique. L'homme a pour territoire la métropole, l'Espagne, l'empire et ses riverains caribéens. Cette fluidité entre les espaces fait fi du compartimentage artificiel entre une histoire qui serait purement coloniale et une autre qu'on limiterait à la métropole. La France est coloniale et Satineau se projette sans difficulté dans cette complexité territoriale.

Plan :
  • L’avant-guerre de Satineau (1936-1940)
  • Un patriote indigné mais légaliste (juin-novembre 1940)
  • Un projet d’émigration juive aux Antilles (1940-1941)
  • De la clandestinité au retour en politique (1942-1944)

Ref : Dominique Chathuant, « Un résistant ? Maurice Satineau : un parlementaire colonial dans la tourmente (1940-1945)», Outre-mers, revue d'histoire, n°386-387, juin 2015, p. 130-144.